On sait depuis quelques semaines - en fait depuis l'arrivée dans nos boîtes mail ou à lettres de la sempiternelle taxe d'habitation qui devait baisser mais ne baisse pas partout, ni dans les mêmes proportions - que le torchon brûle entre l'Elysée et les Maires de France.
Est-ce une raison suffisante pour sortir la machine à taxer ?
Le Vice-Président de l’Association des Maires de France a pensé que oui en proposant d'introduire une nouvelle taxe sur les achats internet, dans le cadre du Projet de loi de Finances pour 2019.
Le Vice-Président de l’Association des Maires de France a pensé que oui en proposant d'introduire une nouvelle taxe sur les achats internet, dans le cadre du Projet de loi de Finances pour 2019.
Pas de nouvel impôt avait promis le gouvernement ? Qu'à cela ne tienne, il s'agit d'une taxe ! Et puisque nous jouons sur les mots, jouons aussi avec les chiffres : ce nouvel impôt, pardon cette nouvelle taxe, prendrait donc la forme d’une taxe forfaitaire de 1€, payée par l'acheteur en ligne, pour chaque commande passée sur internet et livrée à domicile. J'ignore si les points-relais comptent, ils sembleraient que ce soit exclusivement pour les livraisons à domicile.
Cette taxe serait collectée par le vendeur puis reversée par l’e-commerçant au Trésor public.
Son produit serait destiné à financer une baisse de la taxe foncière pour les commerces physiques de moins de 400m2.
Bravo, rajoutons en une couche en opposant les petits commerces physiques, les grands et les entreprises en ligne.
A ce compte-là, taxons les visiteurs et vacanciers de chaque commune qui n'y résident pas et s'y arrêtent pour dormir ! On me dit dans l'oreillette que cela existe déjà et que cela s'appelle la taxe de séjour. Nous sommes forts pour trouver des niches à taxer... Je me demande même s'il n'existerait pas un métier d'inventeur de taxes à la française !
Je me souviens d'une anecdote très locale concernant la charmante commune de Salon de Provence.
Je discutais avec un élu de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Marseille Provence dont je suis moi-même élu.
Je discutais avec un élu de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Marseille Provence dont je suis moi-même élu.
L'homme est élu à Salon de Provence et en charge du centre ville. Je me prépare donc à recevoir une pluie de remarques plus ou moins désobligeantes à cause du e-commerce qui paraît-il "dévore les centres-villes".
En réalité et en fait, le centre ville de Salon de Provence est très actif avec beaucoup de petits commerçants, qui bien entendu ont leurs problèmes, mais le Centre-Ville ne ressemble en rien à ces déserts avec 30-50% de magasins fermés, parfois brandis comme un épouvantail.
Explications de l’élu : il est impossible de créer des zones commerciales significatives en périphérie de Salon de Provence ! Ce qui ne les tue pas les a rendu plus forts :)
A cause de l’autoroute A7, d'un côté, de l’autoroute A9 de l'autre, des quartiers Nord, au Nord, une zone compliquée pour y implanter une zone commerciale significative. Il reste donc l’ouest, déjà bien fourni en grandes et moyennes surfaces.
La ville ayant créé beaucoup de parking en centre ville et pas mal de services pour s’y rendre facilement, ce qui devait arriva, le petit commerce est en vie et en bonne santé !
La ville ayant créé beaucoup de parking en centre ville et pas mal de services pour s’y rendre facilement, ce qui devait arriva, le petit commerce est en vie et en bonne santé !
Est-ce à dire que ce sont les hyper en zones commerciales à la périphérie des villes qu'il faudrait taxer ? Je ne suis pas dans une logique d'opposition de commerce à commerce, mais une chose est certaine, si les Maires avaient accordé moins d'autorisations à la périphérie de leur ville et développé l'accessibilité des centres-villes, la face du monde du commerce en serait changée !
Bref, j'étais en train de réfléchir aux multiples conséquences catastrophiques d'une telle taxe, quand la synthèse faite par la Fevad est arrivée. J'en reprends chaque mot à mon compte pour dire combien cette taxe est au moins 6 fois une mauvaise idée !
- Une nouvelle taxe sur un service déjà taxé
Les frais de livraison sont actuellement soumis à TVA. La nouvelle taxe viendra donc s’ajouter à celle déjà payée par les consommateurs sur la livraison. Il s’agit donc d’une taxe additionnelle sur un service déjà taxé à hauteur de 20%.
Cela ne fera qu’alimenter le sentiment de ras-le-bol fiscal et la sensation de perte de pouvoir d'achat des Français, avec ses conséquences négatives attendues sur la consommation des ménages traditionnellement essentielle à notre économie.
Mauvaise idée ! - La France des campagnes à nouveau prise au piège de la fiscalité
Les plus exposés à cette taxe seront les Français qui éprouvent des difficultés à se déplacer et qui n’ont pas d’autre choix que de se faire livrer à domicile, ainsi que ceux qui vivent dans les zones rurales, et pour qui l’e-commerce représente le moyen d’accéder à la même offre que celle disponible dans les grandes zones urbaines.
Ces derniers, déjà particulièrement affectés par la hausse des taxes sur les carburants, n’auront souvent pas d’autre choix que de payer la taxe, sauf à parcourir plusieurs kilomètres en voiture pour se rendre au bureau de poste ou point-retrait le plus proche.
Mauvaise idée !
- Une menace directe pour l’activité et la survie de dizaines de milliers de TPE/PME
A l’heure où plus de la moitié des e-acheteurs français déclare commander sur des sites étrangers (source : CSA, janvier 2018), principalement en raison de prix plus attractifs, ce nouvel impôt fragiliserait la compétitivité des entreprises françaises et renforcerait l’attractivité des sites étrangers, lesquels échapperont à la taxe.
Mauvaise idée !
Par ailleurs, et là on touche non pas au sublime, mais au cœur de l'économie, les entreprises les plus touchées seront en tout premier lieu les TPE et PME qui, à elles seules, représentent plus de 80% des entreprises du secteur (soit plus de 150 000 sites).
Elles sont en effet les plus dépendantes de la livraison à domicile. Ce sont donc des dizaines de milliers de TPE/PME qui sont directement menacées par la nouvelle taxe.
Encore une très mauvaise idée !
- Une perte sèche de recettes pour l’Etat
La livraison à domicile génère chaque année des recettes fiscales importantes en raison de la TVA à 20% appliquée sur les services de livraison. Chaque client qui passera retirer sa commande en magasin engendrera donc un manque à gagner conséquent en TVA, sans compter la perte de chiffre d’affaires pour la Poste, opérateur du service universel.
La Poste, avec nous ! :) Il faut bien se dépêcher d'en sourire un peu, avant qu'il ne nous reste plus que nos yeux pour en pleurer ! Toujours mauvaise idée ! - Un mauvais signal en direction des commerçants de proximité
Le « numérique » est aujourd’hui entré dans les habitudes de consommation des Français. La transition numérique des commerçants représente un des enjeux majeurs pour la modernisation du commerce de proximité. Les études montrent en effet que la vente sur internet permet à des commerces de proximité de développer leur activité magasin notamment en développant les ventes au-delà de leur zone de chalandise, en livrant des clients sur tout le territoire.
Une nouvelle taxe constituerait un élément de dissuasion pour tous ces commerçants de proximité qui souhaitent développer leur activité magasin sur internet, alors même que cette transition numérique fait partie intégrante de tous les plans de revitalisation des commerces de centres-villes.
Cette injonction contradictoire est une très mauvaise idée !
Comme la FEVAD, et sans doute bien d'autres acteurs du secteur, en tout cas je l'espère, je considère que la mesure proposée, fondée sur une vision opposant e-commerce et commerce, constitue non seulement une réponse totalement inadaptée sur le fond mais également en terme de timing. Il n'y a pas de pire moment pour contribuer à aggraver des tensions sociétales que le gouvernement et les parlementaires ne peuvent ignorer !
Commentaires